En Afrique, la fin du glyphosate n’est pas pour demain

Article : En Afrique, la fin du glyphosate n’est pas pour demain
Crédit: Iwaria
17 novembre 2023

En Afrique, la fin du glyphosate n’est pas pour demain

Le glyphosate est une molécule chimique, principalement utilisée par les agriculteurs pour lutter contre les mauvaises herbes. Ce produit constitue à ce jour le désherbant le plus vendu au monde. En effet, c’est le « best seller » sur le marché mondial des herbicides.

Avant-propos

Commercialisé par le géant de l’agrochimie Monsanto depuis 1974 (et absorbé par la firme allemande Bayer en 2018), il a conquis l’agriculture sur tous les continents. Pourtant, plusieurs études et autorités de santé estiment que le produit peut être dangereux pour la santé et l’environnement. Le glyphosate est en effet jugé « cancérogène probable » depuis 2015 le Centre international de recherche sur le cancer. Sa toxicité sur les animaux et sur l’environnement (l’ensemble des écosystèmes) est aussi reconnue par une kyrielle d’études. Bien que décriée pour sa nocivité, la Commission Européenne a autorisé son utilisation pour dix années supplémentaires dans l’UE. En Afrique, les agriculteurs peinent à se séparer du glyphosate.

Le continent africain est actuellement l’un des principaux marchés de la firme Bayer. Le glyphosate est massivement utilisé dans l’agriculture africaine, principalement dans la production de coton (Mali, Bénin, Burkina Faso). Il est aussi abondamment utilisé dans les plantations de café (Ethiopie, Kenya, Burundi, Rwanda, Tanzanie), de cacao (Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun, Nigéria) et de banane (Côte d’Ivoire, Cameroun). Il y a un véritable enjeu économique, parce-que dans ces pays, l’agriculture vit principalement de l’exportation.

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Les ouvriers l’appellent « Tête rouge », à cause de la couleur du bouchon. On en vend partout en lisière de la forêt. Le nom de l’herbicide ne figure pas sur la bouteille qui ne comporte d’ailleurs aucune inscription. Et des bouteilles, il y en a beaucoup. Le glyphosate ou Roundup, a beaucoup de client dans le monde entier, avec des dizaines d’appellations différentes. En 2000, le brevet de Monsanto est tombé dans le domaine public. Ainsi, de très nombreuses entreprises produisent aujourd’hui du glyphosate, chacune avec leurs propres bouteilles.

Facilement disponible, le produit dispose d’une grande efficacité. Il suffit de le pulvériser sur les plantes, sans avoir à toucher le sol (en pénétrant par les feuilles, le produit se diffuse via la sève jusqu’aux racines). Cette méthode est rapide, simple, très efficace et très économique. La « Tête rouge » séduit par sa simplicité d’utilisation, son hyper efficacité et son prix attractif.

Pourtant, derrière cette apparence séduisante, les inquiétudes grandissent quant aux dommages que l’herbicide pourrait causer sur la santé des africains et sur les écosystèmes du continent.

La Face cachée du cacaodocumentaire réalisé par Paul Moreira (Fr., 2019, 60 min).

Glyphosate : un risque pour la santé

Sous l’apparente commodité du glyphosate, des risques sérieux se profilent. Au cœur des plantations, les agriculteurs, munis de pulvérisateurs fixés à leur dos, arrosent leurs cultures quotidiennement, parfois sans protection (ou sans protections adéquates : combinaison, gants, masques), et sans respecter les méthodes d’épandages strictes. Ils s’exposent ainsi chaque jour à de petites doses de glyphosate, qui s’accumulent avec le temps.

Les conséquences de cette exposition sont palpables, certains paysans développent des problèmes de santé, qui confirment la dangerosité du glyphosate dénoncée dans plusieurs publications provenant d’études sur des modèles animaux. Ces études signalent des propriétés néphrotoxiques, neurotoxiques, tératogènes, ainsi que des effets perturbateurs endocriniens de l’herbicide. Cela concerne toute personne rentrée en contact direct avec le glyphosate ou avec ses résidus. C’est également la position du Centre International de Recherche sur le Cancer ( « CIRC », agence de recherche sur le cancer de l’Organisation Mondiale de la Santé) qui a classé le produit dans la catégorie 2A, celle des cancérogènes probables.

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Faute d’accès à des soins médicaux appropriés, certains agriculteurs africains attribuent leurs maux à la sorcellerie. Ignorant les risques réels du glyphosate, la plupart reste convaincus que ce produit n’engendre que des bienfaits pour leurs cultures.

Dans les villages, cette confiance aveugle se manifeste par la réutilisation des bouteilles/bidons usagés comme contenants alimentaires, un geste en apparence anodin mais révélant un manque flagrant de sensibilisation aux dangers de ce produit chimique. Ces bidons utilisés dans la cuisine stocke de l’eau, du vin de palme ou pour conserver de l’huile de palme, exposant hommes et femmes et enfants à des risques graves.

Glyphosate, une substance écocide

 Le caractère peu biodégradable de l’herbicide est très négatif pour l’environnement. Après son utilisation, celui-ci se transforme en AMPA, [acide aminométhylphosphonique], produit qui se retrouve partout et perturbe tout l’écosystème. Ce résidu du glyphosate pollue en effet fois l’eau, l’air, les plantes et la santé animale.

Ainsi, le glyphosate, herbicide total conçu pour éliminer toute forme de végétation, laisse des sols appauvris, empoisonnant les nappes phréatiques, portant préjudice aux fragiles écosystèmes africains. Les dommages sont énormes. C’est pour cette raison que l’on parle d’« écocide », c’est à dire de la destruction de milieux naturels : la flore et la faune.

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Selon un groupe d’experts internationaux, l’écocide implique des actes illégaux ou arbitraires. Aussi, en connaissance de la probabilité réelle de causer des dommages graves et durables à l’environnement. Ils suggèrent d’intégrer le principe de l’écocide aux crimes déjà énumérés dans les statuts de Rome. En effet, les crimes contre l’humanité, le génocide, la guerre et l’agression. Cette expansion vise à protéger les écosystèmes. Et aussi, le bien-être de la planète, au-delà de la seule considération des êtres humains.

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Sensibilisation sur le glyphosate

Dans un monde en constante croissance démographique, la renonciation au glyphosate par les agriculteurs et les gouvernements ne semble pas imminente, compte tenu de son efficacité. Toutefois, des alternatives moins invasives et respectueuses de l’environnement existent, et il est essentiel d’informer les agriculteurs sur les risques liés à l’utilisation du glyphosate.

Face à ces défis, des alternatives durables émergent. Promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement ouvre la voie à un avenir où l’agriculture s’aligne sur la préservation de la santé humaine et des écosystèmes.

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