les larmes dans le vent ou l’impossibilité du deuil du père, de Beatus Scient

Article : les larmes dans le vent ou l’impossibilité du deuil du père, de Beatus Scient
Crédit: dohouatt.mondoblog.org
4 juillet 2023

les larmes dans le vent ou l’impossibilité du deuil du père, de Beatus Scient

Les larmes dans le vent
Première de couverture, roman : les larmes dans le vent de Beatus Scient: Crédit photo : dohouatt

Une des thématiques de ce livre, les larmes dans le vent, est le deuil. Il met en scène un fils et une mère, à jamais éplorés. Toutefois, on peut y trouver d’autres sujets de réflexion comme la filiation, le traitement des statuts d’orphelin et de veuve, bien souvent accusés de sorcellerie dans les sociétés africaines. À côté de l’abnégation d’un enfant qui veut réussir, non pas pour lui – la bonne vieille fausse rhétorique des enfants -, mais pour faire plaisir à sa mère, ce livre est avant tout le récit du deuil.

J’ai aimé ce livre, les larmes dans le vent, surtout le dernier chapitre, le chapitre VIII qui aborde sujet du deuil, même s’il n’est pas traité en profondeur, m’a beaucoup touché. Des années se sont écoulées depuis la mort du père. Et, parce qu’il n’y a pas eu de processus d’acceptation, qui signe généralement la fin du deuil, ce dernier n’a pas eu lieu. Il faut dire qu’en Afrique, on gère toujours mal la perte d’un proche. Un vrai proche, je veux dire. Pas de ces proches virtuels dont les photos tournent en boucle sur la Toile et qu’on assomme d’émoticônes et de « rip » à tire-larigot. 

Alors que sa femme Akissi attend un enfant de lui, Monsieur Kouamé, son mari, inspecteur de l’enseignement primaire, meurt dans un tragique et brutal accident de la route. Comme par une sorte de glissement narratif, l’enfant prend le nom du père et va se lancer à la conquête du rêve du père défunt. Kouamé Kouamé, qu’une sourde exigence anime, va se mettre à bosser dur comme fer. Mais sa vie n’a rien de profondément trépidante. C’est une vie lisse, un peu trop parfaite, sans véritable staccato. Gamin, il se montre sage, travailleur et bosseur. Et comme tout gamin de son âge, il ne veut réussir que pour faire la fierté sa mère devenue veuve. 

Les larmes dans le vent
Quatrième de couverture Les larmes dans le vent de Beatus Scient : Crédit photo / dohouatt.

Le jeune Kouamé, abandonné par sa famille maternelle et paternelle, sera recueilli par un instit. Surdoué, il décrochera enfin le sésame dont son père rêvait pour lui : le doctorat. Lorsque tombe son premier mandement, il court apporter la nouvelle à sa mère. Sur la route, une prémonition. Une odeur de mort. Sa mère n’est plus, décédée subitement. Dévasté par le chagrin, il songe au suicide. Bridés du vivant de sa mère, ses démons intérieurs font alors surface. [Le mec peine à voir dans son épanchement.] Que va-t-il se passer, pensez-vous ? On ne va tout de même pas vous donner toute l’intrigue, comme ça ? Courez donc acheter le livre, les larmes dans le vent !

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En ce qui concerne l’intrigue, je la trouve cohérente, vraisemblable et bien construite. Il y a une logique d’écriture, en somme. L’auteur véhicule bien les émotions qui étreignent ses personnages. Le chagrin qui pousse Kouamé Kouamé à jeter au vent l’argent qu’il destinait à sa mère. Laquelle mère, toute sa vie, a refusé de faire véritablement son deuil. On le voit. Le fils a réussi dans la vie. Désormais pour la mère, iI n’y a plus de dérivatif. Aussi va-t-elle se laisser lentement mourir.

Beatus Scient aurait pu donner plus de profondeur à son écrit. [On est encore sur le terre à terre.] On perçoit à la lecture de l’œuvre comme une certaine peur, une sorte d’hésitation de l’auteur à descendre dans les bas-fonds de ses souvenirs, dans le puits de ses traumatismes comme pour éviter de mieux se révéler à lui-même.

Côté graphique, je ne vais pas tourner autour du pot. J’ai été déçu. L’auteur est graphiste de formation. J’aurais aimé une première de couverture qui en jette. Mais ce n’est que mon avis. Il est subjectif. 

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Commentaires

Maxime N'dri
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Merci infiniment pour cette critique. Merci. Nous améliorerons le futur ensemble.