Makala, plus qu’un lieu de détention, un mouroir

Article : Makala, plus qu’un lieu de détention, un mouroir
Crédit: Iwaria
8 décembre 2023

Makala, plus qu’un lieu de détention, un mouroir

Dans la prison de Makala à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC), il y a plus de morts que de jours dans l’année. En effet, depuis le début de cette année, la prison centrale de Makala – Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa – comptabilise plus de 500 morts. Autre fait paradoxal, la prison de Makala ne se trouve pas dans la commune de Makala, mais dans un autre ; celle de Selembao.

Makala
Un homme derrière des barreaux | Crédit photo : Iremeyasom, via Iwaria

Makala, semblable aux prisons d’Afrique

On nous a toujours dit que les prisons étaient des lieux de réhabilitation. Pourtant, en RDC, cette assertion va en contradiction avec le dernier rapport de l’ONG « Fondation Bill Clinton pour la paix ». Ce n’est pas le camp Boiro, ni même la Maca, c’est une fusion des deux, mais en pire. En effet, l’année civile de 2023 compte 365 jours. À la prison de Makala, en RDC, nous en sommes à 500 morts. Or, nous ne sommes qu’à quelques semaines de la fin de l’année. Autant dire, que le nombre de décès n’est pas loin de s’allonger.

L’état des lieux à la prison de Makala

Construit en 1957 pour 1 500 détenus, la prison de Makala en compte aujourd’hui 11 000. Cette massification de la population carcérale fait de Makala la prison la plus peuplée de la République démocratique du Congo. Avec de maigres rations alimentaires et une population carcérale qui ne cesse de grossir, il n’y aura bientôt ni place, ni nourriture. Mais l’administration de la prison se veut rassurante. Parmi les nombreux détenus seulement une poignée ont été reconnus coupables, jugés et condamnés. Les autres, les trois quarts des prisonniers, sont des  » détenus à titre préventif ».

Une ONG qui bataille

L’ONG « Fondation Bill Clinton pour la paix » décrit les mauvaises conditions de détention des détenus. En effet, elle estime que ces morts sont dues aux traitements inhumains dont sont victimes les prisonniers. Et, aussi, de la surpopulation carcérale que les autorités n’arrivent pas à endiguer. Kinshasa doit être plein de crapules, dis donc. La fondation, contrairement à ceux que nous avons interrogés, n’arrondit pas les chiffres. La fondation estime que le nombre exact de prisonniers mort en détention s’élève à 505. Pourtant, l’administration pénitentiaire dément fermement ces chiffres avancés par l’ONG. Ce n’est pas 505, mais 300 détenus morts en incarcération selon elle. Comme c’est encourageant. Bravo, les gars. Les autorités pénitentiaires estiment que ces morts sont à mettre sur le compte de la surpopulation, des maladies chroniques, du choléra et bien d’autres. Pourtant, dans ce « bien d’autres » on peut fourrer tous les maux de la terre.

Makala
Kinshasa, RD Congo: Cérémonie officielle d’inauguration d’une infirmerie construite par la MONUSCO au profit des détenus de la prison militaire de Ndolo. Crédit photo MONUSCO/Michael Ali | via Wikimédia Commons

Tentatives de dédouanement

Et l’administration pénitentiaire se dédouane en affirmant que la majorité des détenus qu’ils reçoivent sont déjà mal en point. L’administration pénitentiaire, selon RFI, affirme : « Il y en a d’autres qui sont venus en étant malade, d’autres avec des maladies chroniques. Il y a beaucoup de détenus qui sont arrêtés avec un état de santé très dégradé déjà, parfois, ils traînent dans des cachots de services de sécurité. On ne sait pas donner les précisions comment ils se sont retrouvés dans cet état-là, parce qu’ils viennent maigres, parfois dans un état irrécupérable. Leur état nécessite une réelle prise en charge. Mais, une chose est claire : ils bénéficient d’une bonne prise en charge médicale et alimentaire à la prison de Makala ». J’adore cette rhétorique.

Des améliorations dans le viseur

De toute évidence, il y a un dysfonctionnement dans le traitement des dossiers. La lenteur et la lourdeur administrative sont, il faut le dire, des germes et des portes ouvertes à la corruption. Même s’ils sont nombreux les prisonniers de Makala à affirmer qu’ils sont détenus à tort, un peu de célérité dans le traitement des dossiers serait très louable en fin de compte. En outre, il y a un aspect très marquant à relever : plus de 2000 détenus sont des militaires. En plus, plusieurs hauts gradés de l’armée, des généraux croupissent à la prison de Makala pour avoir fomenté des putschs. S’il y a une chose qui rassure, l’administration pénitentiaire entend prendre le problème à bras le corps. Aussi, l’évacuation de plusieurs détenus vers la prison de Luzumu, au Kongo Central 3t dans d’autres provinces a débuté.

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