Le pont ivoirien fait son buzz

L’érection, en plein cœur de la ville d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, du 5ème pont, dénommé Alassane Ouattara, déchaîne une vive passion chez les Abidjanais. Pourtant, ça n’a rien à voir avec la Tour Eiffel, même si des artistes comme Maupassant et Dumas Fils ont écrit un pamphlet contre l’inutilité de cette dernier. Ce pont est juste d’une utilité pratique. En effet, il a pour but de relier la commune de Cocody à celle du Plateau. Mais qu’est-ce qui est arrivé aux Ivoiriens pour tomber dans cette forme d’exaltation ?

Depuis son inauguration, tous les jours, on aperçoit, à la tombée de la nuit, sous la lumière des lampadaires et sur les parapets du pont de nombreuses personnes dans des postures invraisemblables, avec des téléphones tenues dans les mains, dangereusement. Le pont Alassane Ouattara étant la propriété de l’État de Côte d’ivoire, on s’inquiétait que l’Etat n’y installe un poste de péage. C’est un pont à haubans, élégant, léger et extrêmement résistant. En effet, il a été construit de telle sorte à n’être jamais inquiété par la crue. Soulagement. 

Cocody et Plateau étaient deux îles de la capitale ivoirienne. Le nouveau pont est la nouvelle jonction qui les relie officiellement. Tous les jours de la semaine, du lundi au dimanche, on observe un amoncellement de personnes aux postures suspectes et ridicules sur le nouveau pont dans la commune de Cocody, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ce qui s’y passe peut être nommé, sans l’ombre d’un doute, la foire des ridicules. Chacun y vient dans l’espoir d’avoir d’être à la Une des réseaux sociaux. Aussi rivalisent-ils d’ingéniosités bêtes, sans compter les conneries à la pelle qu’ils s’envoient à la figure. C’est affligeant, cette exhibition ridicule.

Si le ridicule tuait, il ne resterait plus rien de certains ivoiriens. Je ne suis que la pâle voix d’une opinion. Désormais agglutinés sur le nouveau pont du matin au soir pour des parties de selfies, des centaines de personnes viennent faire le con sur le pont Alassane Ouattara. Ils tentent d’y repousser encore plus loin les bornes de l’imbécillité. Ils sont tous contents, comme des imbéciles, heureux, sous anxiolytiques. 

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Que va-t-il arriver quand un véhicule ayant perdu le contrôle va leur foncer dessus ? N’ont-ils pas d’autres choses à faire pour venir jouer chaque jour les clowns sur ce pont nouvellement érigé ? Pourtant, ce pont, à première vue, n’a rien avoir avec un lieu d’attraction. Il est là pour une utilité pratique : permettre la fluidité du transport urbain. Ça n’a rien à voir avec la Tour Eiffel, voyons. Ressaisissez-vous chers Ivoiriens ? Vous n’êtes pas du tout concentrés. Toutes ces questions approximatives ne sont que surérogatoires, je sais. Qu’est-ce sui risque de se passer si des suicidaires décident de se jeter dans les flots sous l’effet de l’alcool qu’ils y boivent comme des trous ? 

Au début, c’était cool, intéressant de les voir parader tels des chauves-souris ayant les testostérones en feu. Mais, depuis qu’ils ont commencé à y couper des gâteaux, à se demander en mariage, à faire du rodéo, à s’envoyer en l’air (j’y ai surpris deux jeunes filles de mes propres yeux), à s’y laver, à venir y réciter le coran et à y installer des bordels de fortunes, j’ai commencé à me poser des questions. Comment peut-on concevoir qu’un pays qui a le PIB le plus affolant de la sous-région en arrive à de pareilles gamineries ? On a le sentiment que chacun veut être le prochain « bébé sans os », le prochain « sauveur de placali », le prochain « De Versailles », la prochaine « Aïcha tremblé »,…

En effet, en Côte d’Ivoire, on aime les choses bête-bête, tirées par les cheveux. Aussi, des personnes s’en sont allés prendre des photos de leur mariage sur ce pont. Actuellement, la mode est au ridicule. En effet, d’autres y sont allés avec leur matelas, certains leur table à manger. Mais, où sommes-nous à la fin ? Chacun, pour être le prochain Dougoutigui, va un peu plus loin dans la crétinerie. La société ivoirienne est devenue une fabrique de médiocres, par excellence. Chacun, sans être vraiment croyant, croit dur comme du silex qu’en se jouant le prochain « Père Daloa », il atteindra un soupçon de succès. À quel moment, sommes-nous tombés si bas ?

En effet, le plus stupéfiant est une vidéo qui montre deux jeunes hommes prenant leur bain sur ce pont. Aussi, Hassan Hayek, le vagabond de la charité ivoirienne, a perdu tout contrôle. C’est ainsi qu’il a réagi violemment en ces termes : « Prendre sa douche sur le nouveau pont ! Tout ça frise le ridicule ».